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L'évolution de l'écriture - partie 2
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dimanche 15 mars 2009

Naissance et redécouverte


L'apparition des hiéroglyphes tels que nous les connaissons aujourd'hui remonte à environ 3000 ans avant notre ère. Ils sont apparus d'une façon "très soudaine", comme par enchantement. Contrairement à l'évolution graphique du cunéiforme en Mésopotamie, il n'y a pas eu de mode préparatoire et cette écriture apparaît achevée sans aucune modification majeure durant les 3500 ans où elle sera utilisée. Cette écriture composée d'idéogrammes, de phonogrammes et de déterminatifs n'est plus employée depuis l'abrogation du culte d'Isis dans son temple de Philae et de sa conversion en temple copte. Déjà à cette époque, il ne restait qu'une poignée de prêtres à comprendre et à écrire ce qui deviendra un mystère durant des siècles. La dernière inscription connue date de 394 après Jésus-Christ.

Médou-netjer, "paroles divines", c'est de cette façon que les égyptiens désignaient leur écriture. Il est aisé par cette terminologie, ainsi que par sa "soudaine" apparition de comprendre le caractère sacré que ce peuple prêtait à son écriture. En effet, dans la mythologie égyptienne, l'écriture est un don des dieux, plus particulièrement de Thot, dieu des scribes, responsable du calendrier et des sciences.

Le terme grec de cette écriture est en adéquation avec la terminologie égyptienne puisque hiéroglyphe peut être traduit par "caractère sacré".

Dans l'esprit du peuple de l'Egypte antique, le sacré est intimement lié au beau. C'est de cette façon que l'on peut admirer sur les parois des temples ou autres oeuvres d'arts, des combinaisons de signes, plantes, animaux, figures géométriques, exécutées dans leurs moindres détails afin de nous offrir une véritable poésie visuelle.


Stèle votive consacrée à Osiris
Temple d'Abydos
XIXème dynastie
Musée du Vatican
Photo : Geb et Nout


Afin de rendre l'oeuvre la plus harmonieuse possible, les textes peuvent être lus de droite à gauche ou inversement et de haut en bas. La lecture s'effectue comme si l'on se déplaçait au devant des signes représentant des êtres vivants.


La lecture sur ce relief s'effectue de droite à gauche sur les deux lignes. La caille et le serpent indiquent le sens de lecture.
Relief du temple de Mentouhotep 1 offerte par Thoutmosis III
Temple Mentouhotep 1
XVIIIème dynastie
Musée du Vatican
Photo : Geb et Nout


Il faut attendre le 1er juillet 1798 et l'arrivée de Bonaparte à Alexandrie pour qu'un véritable intérêt scientifique naisse avec l'avènement de l'égyptologie. Il est fort à parier que sans la campagne d'Egypte menée par le fougueux général, nous n'aurions pas toutes les connaissances acquises. Peut-être aurions-nous du attendre plus d'un siècle avant qu'une jeune femme (Christiane Desroches-Noblecourt) amoureuse de l'art égyptien n'entreprenne un porte à porte diplomatique afin de sauver des eaux les plus beaux temples d'Egypte.

Bien entendu tout ceci n'est que conjecture et il faut encore attendre 1822 pour que le jeune Jean-François Champollion (1790-1832) comprenne la clé du mystère. Il pense que les représentations ne sont pas que des idéogrammes comme dans l'écriture chinoise. Il imagine une association de phonogrammes, d'idéogrammes et de déterminatifs. Cette découverte est rendue possible grâce à la pierre de Rosette, découverte lors de la campagne d'Egypte dans la ville d' El-Rachid à proximité d'Alexandrie. Rosette est le nom européen de cette cité. C'est à l'issue de la capitulation française que cette pierre de 762 kilos fut transportée au British Muséum de Londres.


Pierre de Rosette
Epoque ptolémaïque, 196 avant Jésus-Christ
Hauteur : 118 cm - Largeur 77 cm
British Muséum, EA24 - Londres


L'intérêt de la pierre de Rosette réside essentiellement dans le fait que sur sa face y est annoté un décret concernant le couronnement du roi Ptolémée V. Ce décret est écrit dans trois versions graphiques : en hiéroglyphes (écriture sacrée), en démotique(écriture de la vie quotidienne) et en grec (Ptolémée V appartenant à la dynastie Lagide, originaire de Macédoine). C'est en effectuant un jeu de comparaison que Champollion a rendu possible la redécouverte de cette écriture vieille de 5000 ans. La base de sa recherche ayant été les cartouches de Ptolémée sur la pierre de Rosette et Cléopâtre sur la base d'un obélisque et sur un papyrus bilingue.

D'autres textes lui permettront d'étoffer son savoir et c'est en 1824 que Champollion sera en mesure de présenter son ouvrage "Précis du système hiéroglyphique des anciens égyptiens". Il y dénombre plus de 1400 hiéroglyphes et y propose les prémices d'une grammaire ainsi qu'une syntaxe.

Son ouvrage "Grammaire égyptienne" est publié quatre ans après sa mort, puis en 1841 son "Dictionnaire égyptien".

Champollion n'a fait qu'ouvrir le chemin à bon nombre d'égyptologues. Des textes restent toujours inaccessibles à notre compréhension. La prochaine grande étape de nos chercheurs sera d'effacer la frustration de ne savoir comment se prononce la langue des caractères sacrés. Des avancées progressives s'effectuent, et gageons que dans les années à venir la poésie des symboles offrira une place à celle de l'ouïe.

"Grammaire égyptienne" (format pdf) numérisé par Google books
"Précis du système hiéroglyphique des anciens égyptiens" (format pdf) numérisé par Google books


Podcast :
L'émission de Universcience du mercredi 21 janvier 2009, 18h30
L'Egypte : l'écriture "hiéroglyphe"
Pascal Vernus