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vendredi 11 septembre 2009

Les nomes

Les nomes étaient les provinces administratives de l'Egypte antique. Ces provinces sont gérées par des nomarques nommés par le roi. Le terme nome vient du grec Νομός qui veut dire "district". Ce mot désigne une subdivision administrative territoriale. Le mot égyptien est "sepat". Ce terme se changera en "qâh" lors de la période amarnienne.

Aux origines des "sepat"

Cette division semble trouver ses racines lors de la période pré-dynastique voire encore plus tôt. En effet, les emblèmes qui les représentent, laissent à penser à une période antérieure à l'unification du pays. Ce découpage est tout naturellement l'oeuvre des tribus et clans qui peuplent le sol égyptien. Du reste, l'Egypte de Narmer est probablement un agglomérat de tribus qui évolue logiquement en renforçant leurs frontières régionales. Il est également probable que c'est durant cette période qu'une identité d'appartenance se crée. Un processus est mis en place dans l'esprit des hommes, petit à petit, ils évoluent vers le sentiment qu'ils n'appartiennent plus à un clan mais à une nation.

Cette évolution identitaire initiée par Narmer lors de l'unification des deux-terres trouve un aboutissement administratif environ quatre siècles plus tard. Il est vraisemblable que ce soit Djeser, qui, lors de ses réformes politiques et administratives scinde le pays en sepat. Il a l'intelligence de garder les frontières tribales afin d'éviter tout risque de guerres ou de conflits fratricides. Du reste ces frontières sont pour la plupart naturelles. En ce qui concerne la Basse-Egypte les districts sont délimités par les bras du Nil et les déserts arabique et lybique. Il en va de façon un peu différente pour la Haute-Egypte, mais le Nil et le désert sont toujours au centre des découpages.

Menka, le premier vizir égyptien nommé par Djeser, aura la charge de donner une impulsion étatique aux différentes provinces du double-pays. On ne pense plus clan, on pense Egypte. Un des intérêts fondamentaux de cette réforme est de permettre au peuple de bénéficier des bienfaits de l'état en période de disette. Un autre intérêt et pas des moindres, est qu'il garantira, via un recensement des populations et des ressources, une main d'oeuvre tournante afin de réaliser la "corvée" qui ne sera ni plus ni moins que l'édification des monuments indispensables à la survie du roi dans l'au-delà.

"Détail de la triade de Mykérinos". Celui-ci, au centre, porte la couronne blanche de la Haute-Egypte. Il est entouré à sa droite de la déesse Hathor et à sa gauche par une déesse représentant le 17ème nome de Haute-Egypte. Il est évident qu'il ne s'agit "que d'une triade du roi Mykérinos". Ici, Hathor associée au roi représente la fertilité tandis que la déesse locale représente le nome d'appartenance où le culte royal est rendu.
IVème dynastie - Grauwacke - Musée du Caire JE46499


C'est à Niouserrê, Vème dynastie, que l'on doit les premières listes des nomes de Basse et Haute-Egypte. Il y est fait état de vingt nomes pour la Basse-Egypte et vingt-deux pour la Haute-Egypte. Si les districts connaissent une certaine autonomie, il existe tout de même des instances fédérales. Une d'elles était connue sous le nom de "Conseil des dix de Haute-Egypte" où le "Préposé à Neken" jouait le rôle de vice-roi du sud.
Réforme du cadastre

Si l'on parle souvent des quarante-deux nomes, il n'en a pas toujours été ainsi. En effet, le nombre de provinces varie entre trente-huit et quarante-deux. Sésostris Ier est l'initiateur de la grande réforme du cadastre. Il va ainsi changer le tracé de certains sepat afin de leur redonner leurs frontières primitives. Celles-ci ayant évolué lors des troubles de la première période intermédiaire.

C'est vraisemblablement dans un esprit de synthétisation du double-pays que Sésostris souhaite établir ce qui deviendra le premier cadastre de l'histoire. Il va, en effet, créer la première carte administrative du pays. Sorte de carte d'identité qui permettra dans un premier temps de représenter l'Egypte dans sa globalité. Celle-ci ne sera pas que politique, il a soin d'y associer les diocèses attachés à chacune des provinces. Dans un souci de lisibilité, il fait inscrire ce cadastre sur ce que l'on appelle la Chapelle Blanche de Karnak. Sur le soubassement de cette chapelle est représentée la carte "géo-politico-cléricale" des vingt-deux nomes de Haute-Egypte et des seize de Basse-Egypte. Chaque nome occupe une section partagée en six cases comprenant respectivement :
-* le nom de la province ;
-* le nom d'un ou deux dieux accompagnés ou non de celui de la capitale de la province ;
-* la superficie en unité de "fleuves" (iterou) carrés (109.41 km2) et d'aroures ou setjat (1367,65 m2) ;
Les trois dernières cases sont en lien avec les opérations lui permettant de définir l'aroure locale :
-* la mesure de l'aroure ;
-* ce que l'on doit lui retrancher pour obtenir la valeur de l'aroure locale ; -* la soustraction ainsi réalisée, on obtient la valeur locale.

Il est à noter que sur ce monument, certains nomes sont regroupés en une seule entité. Cela signfie qu'ils pratiquent une gestion solidaire.


Photo : Dictionnaire encyclopédique de l'Egypte antique

Photo : Beaux-Arts Hors série, Le monde au temps des Pharaons

Il existe sur cette chapelle une seconde série de chiffres. Cette série permet de comprendre la cohérence du travail réalisé par l'administration de Sésostris Ier. Elle associe toutes les provinces des deux-terres dans ce qui est la source de toute vie en Egypte : la crue annuelle :

-* la hauteur que doit atteindre la crue idéale en trois endroits précis, (Eléphantine, Babylone près du Caire et Balamoun au centre du delta) ;
-* la hauteur de l'eau au-dessus des champs ;
-* la longueur totale de l'Egypte, soit 106 iterou ;
-* diverses mesures servant au calcul des redevances.


Il est vraisemblable que la peur engendrée par la perte de son identité en lien avec la présence des cultures extérieures, a poussé le clergé, au fil des siècles, à peser davantage sur la définition des nomes. A l'époque gréco-romaine les ecclésiastiques en viennent à redéfinir l'identité des provinces égyptiennes en établissant une "vision idéale des nomes". Cette nouvelle définition comprend seize points :

-* le nom du nome ;
-* sa capitale ;
-* son dieu ;
-* sa relique osirienne ;
-* son prêtre ;
-* sa prêtresse ;
-* son canal sacré ;
-* sa barque sacrée ;
-* son lac sacré ;
-* son ou ses arbres sacrés ;
-* sa butte sacrée ;
-* ses fêtes ;
-* ses interdits ;
-* son serpent sacré ;
-* son territoire agricole ;
-* son terrain bas.

les listes qui nous sont parvenues figurent sur différents supports. Nous connaissons celle de la paroi externe du sanctuaire d'Edfou, ou encore des papyrus de Tebtynis (Fayoum). Il nous est également parvenu un autre type de papyrus, le papyrus de Jumilhac. Il s'agit d'un traité de géographie mythologique concernant le 17ème nome. Cette pièce unique explique de façon assez précise les légendes concernant cette province. Ce traité a été rédigé durant la période ptolémaïque par des prêtres qui avaient pour seul but, celui de préserver un patrimoine régional. Les textes de ce papyrus proviennent en grande partie de l'Ancien Empire. Il faut imaginer que si ce travail n'avait pas été effectué à cette époque, il est à parier qu'une grande partie de ces légendes seraient tombées dans l'oubli, sans espoir de les conter à nouveau.


Traité de géographie mythologique - Ier siècle avant J.-C. - papyrus inscrit en hiéroglyphes cursifs - "papyrus Jumilhac" - © 2003 Musée du Louvre / Christian Décamps - E17110 - Oeuvre non visible dans les salles du musée


Ce que dit Strabon

...l’Egypte fut partagée en nomes : dix pour la Thébaïde, dix pour le Delta, et seize pour la région intermédiaire. Quelques auteurs prétendent que l’on en comptait en tout juste autant qu’il y avait de chambres dans le labyrinthe ; mais ils oublient que le nombre des chambres dont se composait le labyrinthe était bien inférieur à 36. A leur tour, les nomes avaient été soumis à différentes coupures ou subdivisions, le plus grand nombre avait été partagé en toparchies, les toparchies elles-mêmes s’étaient fractionnées, et l’on était descendu ainsi de subdivision en subdivision jusqu’à l’aroure, la dernière des coupures et la plus petite de toutes. Et qui est-ce qui avait nécessité une division aussi exacte, aussi minutieuse ? la confusion, la perpétuelle confusion que les débordements du Nil jetaient dans le bornage des propriétés,... (Geographie - Livre XVII - Ch. 3 - Traduit par Amédée Tardieu - 1867) D'après le témoignage de Strabon, nous pouvons penser qu'au début de notre ère il y avait trente-six nomes, tout comme à l'époque de Sésostris quelques XIX siècles plutôt.

Trente-six ou quarante-deux nomes ?

La réalité est bien plus complexe. Les variations qu'il y a eu au cours du temps nous laissent avec très peu d'informations. Ce manque de documentation ne nous permet pas d'affirmer les périodes de mutation de trente-six, trente-sept ... ou quarante-deux provinces. Il est évident que si à certaines époques le pays des deux-terres comprenait trente-six nomes, à d'autres, il y en avait bien quarante-deux. Le mammisi d'Edfou présente les vingt-deux nomes de la Haute-Egypte sur le soubassement du pilier sud, tandis que sur celui du nord on y retrouve les vingt de la Basse-Egypte. Il en va de même pour le temple de Medamoud (Cf. : Montet Pierre - Géographie de l’Égypte Ancienne. Pt. I.).

Comme le montre Pierre Montet, sur les stèles ou édifices, il est aisé de reconnaître les provinces égyptiennes des provinces étrangères.
Signe symbolisant une contrée de la vallée du Nil, représentée par un canton égyptien coupé de canaux d'irrigation :
Hiéroglyphe symbolisant une région étrangère représentée par le signe de la montagne :

Nomes de Basse-Egypte
HiéroglyphesNomsCapitales
Egyptien antique
Grec
Arabe
Déités
1 Inb Hez
le mur blanc
Mennefer
Memphis
Mitrahina Bedrechein
Ptah
Sokaris
Apis
2 Douaou
la cuisse
Sekhem, le sanctuaire
Létopolis
Aousîm
Khentyenirty
Haroéris
3 Imen
l'Occident
Imou
Apis
Kôm-el-Hisn
Sekhmet
Hathor
4 Sapi Shemâ
la cible du Sud
Zeka
Prosopis
Menouf
Amon-Rê
5 Sapi Meh
la cible du Nord
Saou
Saïs
Sà-el-hagar
Neith
6 Ka Khaset
le taureau du désert
Khaset
Xoïs
Tell-Sakha, Gharbîyèh

Chou
Tefnout
7 Nefer Imenti
le harpon occidental
Per Ha Neb Imenti, la demeure de Ha
Métélis
Macîl el Atf
Ha
8 Nefer labti
le harpon oriental
Per Atoum, la demeure d'Atoum
Hérôonpolis
Tell-el-Maskhoutah Charqîyèh
Atoum
9 Antzi
le protecteur
Per Osiris Neb Zed, la demeure d'Osiris
Busiris
Abousir
Andjty
puis Osiris
10 Kem Our
le grand taureau noir
Het ta heri ib, le Château du pays central
Athribis
Tell-Athrib
Khentykhety
11 Ka-Heseb
le taureau des bandelettes
Hesebt
Pharbaethos
Horbeit
Néfertoum
12 Le Veau de la Vache Zebat Neter, le sanctuaire du dieu
Sebennytos
Semenoûd
Onouris
Chou
13 Heq Az
Le Pilier
Iounou ou On, le pilier
Héliopolis
Aïn-Ech-Chams

Atoum
14 Khent Iabti
la pointe d'Orient
Zebat Meht, le sanctuaire de Basse-Egypte
Tanis
Sân-el-Hagar
Horus de Mesen
Ouadjet
Rê-Haraktès
Atoum
15 Zehour
l'Ibis
Per Zehouti, la demeure de Thot
Hermopolis Parva
Tell-el-Naqous
Thot
16 Le Shilbe Per Ba neb Zedt
Mendès
Tell-Amdîd
Banebdjedet
Hatméhyt
17 Behedet
le sanctuaire d'Horus
Behed, Per iou n Amen, la demeure de l'île d'Amon
Diospolis Parva
Tell Balamoun
Amon-Rê
18 Imou Khenty
l'enfant royal supérieur
Per Bast, la demeure de Bast
Bubastis
Tell-Bastah
Bastet
19 Imou Pehou
l'enfant royal inférieur
Per Ouazet, la demeure d'Ouazet
Léontopolis
Tell Moqdam
Amon-Rê
20 Akhem
le faucon momifié
Per Seped, la Maison de Seped
Arabia
Saft el-Henneh Faqous
Sopdou


Nomes de Haute-Egypte
HiéroglyphesNomsCapitales
Egyptien antique
Grec
Arabe
Déités
1 Ta-Setet
terre de Setet
Abou, ville des éléphants
Eléphantine
Assouan (Gezirèt)
Khnoum
Sobek
Haroéris
2 Outest-hor
trône d'Orus
Zebat, sanctuaire du faucon
Apollinopolis Magna
Edfou
Horus Behdety
3 Nekhen
les deux plumes
Nekheb rive droite, Nekhen rive gauche
Eleithyiapolis, Hiérakonpolis, Latopolis
El-Kâb, Esna, Kôm-el-Ahmar
Neckhbet
4 Le Sceptre
Thèbes
Amon-Rê
Montou
5 Neteroui
le sceptre
Getiou, cité des voyageurs
Coptos
Qouft
Min
Isis
Harpocrate
6 Zam
le crocodile
Tainout netert, pilier de la déesse
Tentyris
Denderah
Hathor
7 Seshesht
le sistre
Het, le Château de la déesse
Diospolis Parva
Hou
Bat
Hathor
8 Ta-our
le Reliquaire d'Osiris
Teni
Thinis, puis Abydos
Birbèh, Girgèh
Onouris
Khentymentyou
Osiris
9 Khem
la foudre de Min
Apou
Panopolis ou Khemmis
Akhmin ou Sohag
Min
Répyt
Kolanthès
10 Ouazet
le serpent
Zebti, la ville des deux sandales
Aphroditopolis
Iftèh
Isis
11 Seth
le lévrier
Shashetep
Hypsélis
Chotb
Khnoum
12 Zou Heft
le mont du serpent
Per Hor-Noubti, la demeure d'Orus-Noubti
Antaepolis
Qâou-el-Kébir
Matit
Nemty
13 Atef-Khentet
le tébérinthe supérieur
Saouti
Lycopolis
Assiout
Oupouaout
14 Atef-Pehout Gesa
Cusae
El-Qousiyeh
Hathor
15 Oun
le lièvre
Ount, la ville du lièvre
Hermopolis Magna
Achmounein
Thot
16 Ma-hez
l'oryx blanc ou la gazelle
Hebnou
Théodosiopolis
Minièh
Horus
Khnoum
Hathor
17 Anoupou
le chacal
Kasa
Cynopolis
El-Kaïs
Anubis
18 Sepa
l'épervier volant
Het Benou, le Château du phénix
Hipponos
El-Hibèh
Anubis
19 Ouâbou
le sceptre
Ouâb Sep-méri, Per-Medjeb
Oxyrinchos
El-Behnesèh
Seth
20 Nâr-t-Khentet
le laurier rose supérieur
Khenen-nsout, la ville de l'enfant du roi
Héracléopolis
Ahnas Beni-Soûeîf
Hérichef
Amon
Hathor
21 Nâr-t-Pehout
le laurier rose inférieur
Per-Sobek, la demeure du crocodile
Crocodilopolis
Medinet-el-Fayoum
Sobek
Khnoum
22 Le Couteau Mâtenou ou Per-Hemt, la tête de vache
Aphroditopolis
Giza Aftiyèh
Isis-Hathor
Hésat

Référence des signes hiéroglyphiques : Projet Rosette
Référence supplémentaire : Beaux-Arts magazine - Hors série



En savoir plus : Montet Pierre - Géographie de l'Égypte Ancienne. Pt. I Paris, 1957-1961 (pdf-11,2Mo)
Montet Pierre - Géographie de l'Égypte Ancienne. Pt. II Paris, 1957-1961(pdf-11Mo)